cynisme et compassion

Publié le par veni creator

 


Ces dernières années, lors des déremboursements partiels de certains médicaments jugés inefficaces ou trop coûteux par rapport à leur efficacité, les nouveaux moralistes n’ont pas manqués de nous faire part de leur indignation face à la stigmatisation insoutenable des malades , ce qui ne pouvait que nous rappeler les heures les plus sombres de notre histoire où le plus fragile était soumis à la vindicte populaire.


Mais lorsque le philosophe André Comte-Sponville explique sans rire que la légalisation de l’euthanasie ne coûterait non seulement pas un centime à l'Etat, mais pourrait même « permettre des économies à la Sécurité sociale », plus personne ne s'indigne de propos qui, dits par d'autres soulèveraient indignations justifiées et cris d’orfraie chez nos habituels bien-pensants.



Imaginons qu’un candidat à la fonction suprême, un ministre, ou un haut fonctionnaire de la fonction hospitalière nous explique qu'au au nom du rétablissement des finances publiques, il serait légitime de s’interroger sur la pertinence de ces soins coûteux proposés à des malades parfois incurables... le tollé médiatique, les indignations et les suspicions de libéralisation de la santé seraien-ils vraiment de mise?

 

Il est vrai que depuis plus d'une dizaine d'année, de l'affaire Christine Malêvre à l'affaire Bonnemaison, on nous distille petit à petit que seul l'euthanasie permettrait de faire oeuvre d'humanité auprès de ces personnes que l'âge ou la maladie amputerait de leur dignité, d’autant plus que leur prise en charge coûte quand même cher et que la solidarité nécessiterait que cet argent aille aux personnes guérissables.

 

Le visionnaire Jacques Attali dès les années 80 affirmait  que l’euthanasie serait « l’un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure ».

 Hitler pensait la même chose. Il l’a appliqué en cachette, il craignait l’opinion publique. Ce qui ne serait plus forcément le cas aujourd'hui.


Où sont donc les bonnes consciences auto proclamées, habituées à dénoncer les silences d'un passé où la diffusion de l’information en temps réel n’existait pourtant pas et à condamner à coup d’anathèmes parfois anachroniques le fascisme rampant des mal pensant ?


Pourquoi jettent-ils une sorte de voile pudique lorsqu’on nous propose de mettre en place des pratiques qui ressemblent étrangement à ce que la plupart des historiens sérieux admettent avoir été le laboratoire de la solution finale ?


Le silence de nos bonnes consciences si promptes à nous rappeler la nécessité de faire mémoire de la barbarie afin qu’elle ne se reproduise plus jamais à quelque chose d’étrange.

 

On peut alors s’interroger légitimement sur la sincérité de ceux qui nous expliquent à longueur de temps que l’homme n’est pas une marchandise, que la citoyenneté, la  liberté individuelle et la solidarité sont menacées par la dérive "droitière" de la société et qui se taisent lorsque  dans leur camp on propose de légaliser des pratiques qui en Belgique et au Pays Bas génèrent de vrais dérives .

 

Il est surprenant que lorsqu’un responsable politique se réclamant de la même sensibilité que Mr Attali, souhaite légaliser, même partiellement, l’euthanasie, personne ne trouve rien à redire. Où sont nos gardiens de la démocratie habtuellements si enthousiastes à se mobiliser pour la défense des plus fragiles ou des « invisibles » à réveiller l’opinion endormie, dénoncer la stigmatisation des plus fragiles, le fascisme rampant et la bête immonde qui sommeille dans notre pays depuis les années 30.


Sans doute suis-je trop naïf. L'euthanasie est devenu une valeur défendue par les humanistes, car elle est sensée défendre le droit à disposer de sa vie comme on l'entend. UN DROIT FONDAMENTAL. Jacques attali l'écrivait d'ailleurs   « la logique socialiste, c’est la liberté, et la liberté fondamentale, c’est le suicide : en conséquence, le droit au suicide direct ou indirect est une valeur absolue dans ce type de société ».

 

 

Quoiqu'en pense ceux qui dans les années 80, éditaient au frais du contribuables "le petit mode d'emploi du suicide", on ne peut affirmer que le suicide est une valeur absolue : ce n'est pas qu'une affaire de liberté individuelle, puisque ce sont les survivants, les proches, l'entourage qui en subissent généralement les conséquences délétaires et qui devront vivre avec le souvenir, les questionnements ou les regrets..Une société où la  liberté individuelle prime sur le bien commun ne peut-être une société idéale: c'est au pire, une société adolescentrique ou la liberté se confond avec la toute puissance, où l'autre n'a finalement d'intéret que lorsqu'il sert la jouissance de l'un. 

 

Cela pourrait nous faire penser à une vieille série des années 70, qui, a bien des égards ressemble à cette "société idéale" que l'on nous propose: dans "l'âge de cristal"on découvrait une société où les humains vivaient une vie apparemment idéale; une vie sans contrainte, une vie de loisirs et de consommation permanente, de technologie virtuelle, de jouissance et de relations superficielles. Le jeunisme ne pouvant être éternel, le monde extérieur et la nature étant considérés comme dangereux, les ressources alimentaires étant menacées par la surpopulation, chaque citoyen avait le devoir de se soumettre à une cérémonie de renaissance collective (le carrousel) festive, qui se révélait être tout bonnement une euthanasie par désintégration. . Les héros qui voulaient échapper à leur destin funeste, considérés comme des déviants dangereux, étaient obligés de fuir dans le vraie monde où  ils y découvraient petit à petit que le monde dans lequel il croyaient être heureux était un monde alliénant et cynique et que le carrousel pourtant présenté comme un quintescence était une supercherie.

 

La soi disant compassion pour les personnes en fin de vie ou les vieillards, ne serait-elle alors qu’une forme évoluée du cynisme d'une époque qui confond sincérité et vérité, une utilisation opportuniste de la souffrance d’autrui afin de servir ses propres aspirations hédonistes?

 

On pourrait le supposer lorsque l'on entend sur nos ondes une actrices sur le retour qui nous disait en substance, « je milite pour la légalisation de l’euthanasie car je veux avoir le droit de choisir librement comment je veux terminer… ».

 

L'indignation sélective de nos bien-pensants reflèterait, alors, non pas le soucis de l'autre et du bien commun, mais le soucis de soi, la peur d'avoir un jour à se confronter à ses propres limites. Ce besoin impérieux d'anticiper et d'organiser sa propre fin, ne serait alors qu'une forme d'échappatoire, une manière d'exorciser une angoisse de mort refoulée et renforcée par des choix de vie collectifs mortifères qui ne peuvent qu'aboutir à un vide intérieur abyssal.


Nous sommes peut-être entrés dans une nouvelle ère : celle de la pornographisation de la misère humaine. La pornographie se différencie entre autre de l’érotisme par le fait qu’elle réduise la personne à un bout d’elle-même, qu’elle utilise la personne comme un objet partiel. Elle ne permet pas de considérer l’autre comme un tout respectable, mais comme un organe, celui qu’elle montre, celui qui est sensé faire plaisir à son spectateur voyeur.

 

Notre époque voyeuriste, aime montrer la souffrance non pas par ce que les personnes qui la vivent l'intéressent, mais en raison de l'émotion que son image va susciter.

 

On s’intéresse au plus fragile non pas pour ce qu’il est, mais comme un objet partiel : face à un hédonisme centré sur soi et qui n’aboutit qu’à un vide existentiel, on se redonne une contenance par nos bonnes consciences faciles ;  on s’indigne, on s‘émeut, on ne s’intéresse finalement pas réellement ou très peu aux personnes qui suscitent en nous émotions et pitié.

 

Elles deviennent des concepts abstraits, des exclus, des personnes âgées, des vie indigne d’être vécu. On ne s’intéresse pas réellement à elles, on les réduit à leur misère apparente. On joue à se faire peur, face au spectacle de la déchéance annoncée. On joue à s’indigner, on recherche des boucs-hémissaire, et on a peur de s’interroger sur le sens de nos vies, ou le non sens d’une vie centrée sur le consummérisme et les apparences : on pornographise le plus fragile en le  réduisant à un bout de lui-même, à son apparence ; on le nie car il n'existe plus en tant que tel; en le traitant  en objet on en retire une forme de  jouissance inconsciente, celle de la bonne conscience à peu de frais..

 

Marx disait que le sort des travailleurs ne l’intéressait pas vraiment, mais comme ils seraient surement l’organe par lequel passerait la révolution, autant s'intéresser à eux et aller dans le sens de l'histoire.

 

Après l'affaire Sébire, une association qui milite pour l'euthanasie, a apellé de nombreux médecin de la région Nantaise pour savoir si ils avaient des patiens dans le même cas qui accepteraient d'être mis en avant "afin de ne pas relacher la pression médiatique".  Le sort de ses  personnes les intéressait peu, elles étaient  juste l’organe par lequel ils voulaient faire passer leur lâcheté : incapable de se suicider eux même, ils demandent que l’état le fasse, à leur place; que l’état demande à des professionnels de santé de se bousiller psychiquement en transgressant un interdit qui a toujours structuré les civilisations…ah, au fait, c’est peut-être pour cela que les nouveaux moraliste déteste le mot civilisation !

 


 


Publié dans euthanasie

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