Chiffons rouges et étoiles jaunes

Publié le par veni creator

 

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Lorsque l’idéologie est mise à mal par le réel, les idéologues ont toujours tendance à instrumentaliser l’histoire : le meilleur moyen de se persuader que l’on ne se trompe pas, c’est encore de se raccrocher aux erreurs supposées des autres.

 

Notre époque aime ainsi se rassurer en se raccrochant à des pseudo clichés historiques tellement gros, qu’ils feraient pâlir de jalousie les experts en propagande de l’ex union soviétique en rétrogradant leurs montages photographiques (sans photoshop) au rang de trucages grossiers.


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Mais bon, le « c’était pire avant » a le sérieux mérite de nous donner bonne conscience à bon compte, de trouver des boucs émissaires qui ne pourront pas se défendre, et de nous rassurer à peu de frais.

 

Les simplismes intellectuels ont quand même l’avantage de nous aider à éviter de penser la complexité du monde et nous évitent ainsi de nous poser les questions existentielles propres à notre nature humaine,  condition humaine, humanitude.

 

« les heures les plus sombres de notre histoire » ou les « heures noires du christianisme » ont ceci de bien, c’est que lorsque l’on est trop paresseux pour réfléchir à des arguments intelligents, ou lorsque l’on veut faire taire un adversaire tout en faisant semblant d’être « démocrate et citoyen », il suffit de les agiter comme un chiffon rouge pour avoir raison et donner tort au méchant.

 

L'ancien président et son "vrai travail" en ont fait les frais le 1er Mai dernier: il était sans doute  difficile de faire travailler son intelligence à l'occasion de la fête du travail et d'oser développer un argumentaire sensé. Il était sans doute encore plus reposant que de dénoncer le concept de  "vrai travail" comme un  "dérapage intolérable faisant  référence aux heures les plus sombres de notre histoires", preuve à l'appui.

 

On a depuis découvert, que la preuve "des relans nauséabonds" présentée par de nombreux médias était un faux. Mais bon, le chiffon rouge avait été agité, ce qui est plutôt logique lors d'un 1er Mai.


 

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Image de gauche : preuve "nauséabonde" relayée par la presse 

Image de droite: original de la preuve!!!!

 

 

En ces temps de désillusion morale, on se raccroche à ce qu’on peut. On se persuade que c’était pire avant, ça évite de réfléchir à notre propre condition ; cela nous permet surtout de ne rien changer !

 

 

  Notre nouveau président,  semble l’avoir bien compris : en voulant faire aussi bien que son prédécesseur (pas celui juste avant lui, l’autre, le Corézien) il nous a offert une extraordinaire leçon d’histoire binaire. Nos gazettes se sont empressées de la relayer et s’en sont réjouies.

 

A sa décharge, il faut admettre qu'il aurait été bien bête de ne pas profiter de la shoah pour tenter de se refaire une santé sondagière.


Il aurait été franchement bête de ne pas sauter sur l’occasion de la commémoration de la déportation odieuse de milliers d’adultes et d’enfants, pour ne pas placer son couplet sur les autres qui ne pensent pas comme lui, les méchants, ceux « qui divisent et excluent », les salops qui s'opposent à la justice et à l'égalité.


Il aurait été bien bête de pas en profiter pour distiller dans les pensées que  quelque part, la lutte contre le nazisme et le fascisme,  continue aujourd'hui, et que ceux qui s'opposent à ses réformes juste de société qu'il veut imposer proposer, sont en quelque sorte les héritiers directs de la France coupable, de la France complice, de la France criminelle....


 Il aurait été déraisonnable de ne pas profiter d'une telle occasion, pour mettre tout de même en valeurs "les  justes" qui ont tout de même agis, surtout que  ça sonne avec justice, et que le mot justice est devenu le sésame qui justifie l'action de son gouvernement, gouvernement juste parmi les justes......


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Que les chiffons rouges, de l'histoire permettent de faire taire les adversaires des moralistes, c'est dommage et c'est sans doute de bonne guerre chez les tyran.


Par contre , que les étoiles jaunes de l'histoire leur servent trop souvent à racoler sans peine, c'est abject, immoral et pornographe!

 

La pornographie compassionnelle instrumentalise l’image de la souffrance de l’autre pour faire passer une idée et la rendre légitime,  la pornographie historique utilise la souffrance, l'émotion et le drame historique pour justifier l'idéologie. Lors de son discours de commémoration de la rafle du Vel d'hiv,  notre président a utilisé les mêmes mots , les mêmes termes, les mêmes justifications que ceux qu'ils emploient habituellement pour justifier ses projets de" réformes sociétales", reléguant ainsi à l'ignominie et à la nauséabondité toute personne qui n'abonderait pas dans le sens des dites réformes. 

 

Pour terminer , nous proposons ci-dessous une sélection de propos de l’historien Franco-Israelien Alain Michel, qui rappelle sur son blog « Vichy et la shoah » que les choses sont un peu plus complexes, et qu'il est    «  tentant pour certains de changer la chronologie pour adapter les faits aux idées reçues. (ou à leur idéologie)» . Vous pouvez aussi lire son article Rafle du vel d'hiv: les 7 erreurs de François Hollande

 


 

 

Le gouvernement de Vichy et la rafle du Vel d’Hiv

Publié le 14 juillet 2012 par Alain Michel

Il y a 15 ans, le 16 juillet 1995, le président de la République d'alors, Jacques Chirac, prononçait un discours extrêmement important, dans lequel il reconnaissait la responsabilité de la France dans la persécution des Juifs pendant l'occupation. Si, bien entendu, on ne peut que se réjouir de cette prise de responsabilité par le plus haut représentant de l'Etat, un acte qui était attendu de longue date par la communauté juive, les circonstances de cette allocution ont malheureusement aggravé les confusions existant déjà dans le grand public, et même chez nombre d'historiens, en ce qui concerne le rôle du régime de Vichy dans la rafle du Vel d'hiv. Prenons un seul exemple de ces confusions : l'historien Henry Rousso, pourtant spécialiste de la question de l'occupation, dans un "Que sais-je" consacré au régime de Vichy (n° 1720, Puf, 2007, p. 91) confond (involontairement?) les accords que René Bousquet, secrétaire général de la police réalise avec le chef de la gestapo en France, Karl Oberg, début août 1942, accord concernant les questions policières, et d'autre part les négociations entre les deux mêmes hommes un mois plus tôt à propos de la volonté allemande de réaliser une grande rafle de Juifs. Ainsi, si l'on en croit Rousso, le responsable de la police de Vichy accepte la participation des policiers français aux arrestations des Juifs en juillet 1942 en échange d'un renforcement de l'autorité de l'Etat français. La chronologie montre, de toute évidence, que cela est faux, mais il est si tentant pour certains de changer la chronologie pour adapter les faits aux idées reçues.

 

(…)

Cependant, les idées reçues sont tellement ancrées en ce qui concerne l'application de la Solution finale en France que je ne pourrais pas, dans un seul article, corriger l'ensemble des déformations qui se sont accumulées au cours des années. Car dès que l'on tente de se confronter à la réalité historique sans idées préconçues, le premier élément qui frappe l'historien est la complexité des choses. Expliquer simplement des faits compliqués n'est pas une tâche facile, et c'est pourquoi je me contenterai ici de répondre à quelques questions de base qui, je l'espère, éclaireront un petit peu ce qui s'est réellement passé en juillet 1942 à Paris.

Qui décide d'organiser la rafle?

Le 11 juin 1942 a lieu à Berlin une réunion convoquée par Eichmann, au cours de laquelle il est décidé que le RSHA (SS-Gestapo) déporterait de France vers l'Est 100.000 juifs en 1942. (…)

Le représentant en France d'Eichmann, Théo Dannecker, décide, dans un premier temps, de déporter 40.000 Juifs de zone nord, l'arrestation de Juifs de zone sud devant faire l'objet de négociations avec le Gouvernement de Vichy, puisque les nazis n'ont pas d'autorité en zone non occupé. Dannecker décide de faire arrêter des Juifs adultes en Province dans la Zone occupée, et d'organiser une rafle en région parisienne qui permettra d'arrêter 22.000 Juifs adultes. (…)

 

Qui doit faire les arrestations?

Depuis 1941, les Allemands utilisent directement la police française en zone nord pour arrêter les Juifs. Lors de la première rafle parisienne, en mai, les représentants de Vichy à Paris avaient été prévenus à l'avance mais ensuite, en août et en décembre 1941, les autorités d'occupation s'étaient servies directement de la police parisienne sans demander l'avis de Vichy. (…)

On comprend donc que fin juin 1942, les Allemands ont à la fois l'intention et les moyens de réaliser la rafle projetée. Il est donc infondé de prétendre que sans l'acquiescement de Vichy, la rafle n'aurait pas eu lieu.

 

Les réactions du gouvernement de Vichy.

Dans un premier temps, fin juin, la réaction de Vichy aux intentions allemandes est double. En ce qui concerne la zone libre, Laval informe le conseil des ministres qu'il répondra négativement à la demande de transfert de Juifs vers la zone nord aux fins d'évacuation vers l'Est. En ce qui concerne les arrestations de Juifs en zone nord, Laval réserve sa réponse, mais elle apparaît très bien dans les propos de Leguay, délégué de Bousquet à Paris, à Dannecker le 29 juin: le gouvernement français n'est pas prêt à assumer la responsabilité de ces arrestations. (…)

Ainsi Vichy accepte d'être officiellement impliqué dans la rafle, mais a obtenu en échange la protection des Juifs citoyens français, même en zone nord, ainsi que d'une partie des Juifs étrangers. (…)

 

Laval et les enfants juifs.

Parmi les idées reçues sur le rôle de Vichy dans la rafle du Vel d'hiv, la question des enfants pèse d'un grand poids. Revenons à Henry Rousso : "Alors que les nazis n'exigent pas encore les enfants, Vichy les livre de surcroît". A l'appui de cette affirmation, les "accusateurs" citent un rapport de Dannecker à Eichmann daté du 6 juillet 1942, résumant une conversation du 4 juillet : "Le président Laval demande que, lors de l'évacuation de familles juives de la zone non occupée, les enfants de moins de 16 ans soient emmenés eux aussi. Quant aux enfants juifs qui resteraient en zone occupée, la question ne l'intéresse pas".(…)

 

On le voit, rien dans ce texte ne permet de lier la responsabilité de Laval avec l'arrestation et la déportation des enfants Juifs pendant la rafle de zone nord, la rafle du Vel d'hiv. Les archives allemandes nous en fournissent d'ailleurs la preuve. (..°) Pourtant, nous savons que les enfants ont été arrêtés et déportés. Alors que s'est-il passé?

 

Les conséquences imprévues des exigences françaises.

 

(…)

Il semble qu'entre le 10 et le 14 juillet, avant même le déclenchement de la rafle, les spécialistes de la question juive à Paris s'aperçoivent des conséquences, problématiques pour eux, de l'accord conclu avec Vichy. En réduisant "la cible" aux seuls Juifs apatrides, il n'est pas possible d'atteindre les objectifs prévus. Effectivement, lorsque la rafle est déclenchée, le 16 et le 17 juillet 1942, alors qu'on escomptait appréhender 22.000 Juifs adultes entre 16 et 50 ans, il n'y aura que 9037 Juifs de plus de 16 ans, soit à peine plus de 41 % de ce qui était prévu. On comprend pourquoi il devient indispensable, du point de vue des nazis, de déporter également les enfants, ce qui ajoute encore 20 % de déportés potentiels. C'est donc parce que les Allemands ont accepté à la demande de Vichy de n'arrêter que les Juifs apatrides qu'ils vont décider de déporter également les enfants de ces Juifs apatrides, tout simplement pour "faire du chiffre".

 

Je n'ai pas pu, bien entendu, entrer dans toutes les questions et dans tous les détails de ces journées terribles de juillet 1942, mais la conclusion est claire, et peut se résumer ainsi :

-          La décision d'organiser la rafle est une décision allemande, et le cadre des arrestations a été prévu par la Gestapo-SS. La police parisienne s'est contentée d'obéir à ces instructions, comme cela avait été le cas lors des rafles de 1941.

-          Le gouvernement de Vichy a accepté de jouer un rôle actif dans ces arrestations pour deux raisons : limiter les arrestations aux Juifs apatrides, afin que les Juifs français ne soient pas touchés, et se débarrasser eux-mêmes d'un certain nombre de Juifs étrangers qui se trouvent en zone sud.

-          Vichy, et en particulier le chef du gouvernement, Laval, n'a pas demandé que l'on arrête et que l'on déporte les enfants de Juifs apatrides lors de la rafle du Vel d'hiv. Il a seulement imposé que les Juifs apatrides de zone sud soient livrés par familles entières, et pas seulement les adultes, question qui n'est pas liée avec la rafle du Vel d'hiv.

-          En conséquence de la limitation des arrestations aux seuls Juifs apatrides, les Allemands ont dû supprimer des déportations de province, et la rafle du Vel d'hiv n'a pas atteint l'objectif qu'ils avaient espéré.

-          Pour combler le manque de personnes arrêtées, les Allemands ont décidé de déporter également les enfants arrêtés lors de la rafle du Vel d'hiv, au lieu qu'ils soient confiés à l'Assistance publique et à l'UGIF.

-          Vichy a donc été complice de la rafle, et non son initiateur. Mais cette complicité a, paradoxalement, limitée les dégâts, en limitant le nombre d'arrestations. Bien sûr, cette conséquence n'avait pas été volontaire, et Vichy n'avait sans doute pas plus réfléchi à cela que les nazis eux-mêmes. Son but était, d'abord et avant tout, de protéger les Juifs français, y compris ceux de zone occupée. Comme l'écrivait déjà le grand historien américain Raoul Hilberg dans son ouvrage central sur la Shoah : "Quand la pression allemande s'intensifia en 1942, le gouvernement de Vichy se retrancha derrière une seconde ligne de défense. Les Juifs étrangers et les immigrants furent abandonnés à leur sort, et l'on s'efforça de protéger les Juifs nationaux. Dans une certaine mesure, cette stratégie réussit. En renonçant à épargner une fraction, on sauva une grande partie de la totalité". (La destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, Folio histoire 2006, p. 1122-1123).

 

Finalement, le seul mystère qui reste non résolu est celui d'expliquer pourquoi, de Serge Klarsfeld à Henry Rousso, l'historiographie française s'entête dans un récit extrême noircissant Vichy en contradiction avec les faits historiques? L'auteur du "Syndrome de Vichy" devrait peut-être se livrer à une auto-analyse?

 

Publié dans histoire

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